31/10/2012

Des camemberts pour clouer le bec des corbeaux de l'austérité, et autres renards des rentes en mal de compétitivité

Vous en avez marre de les entendre se plaindre et de tenir des discours moralisateurs à l'encontre de la population sans pouvoir réagir? Vous souffrez de ne pouvoir leur rétorquer quoi que ce soit quand ils vous assènent leurs grandes vérités à coup d'arguments macroéconomiques, saupoudrés de % et de milliards et autres ingrédients abstraits et indigestes?
Remettez leur sous le nez ces simples graphiques officiels et demandez leur de se positionner. Avec un peu de chance, ça leur mettra en évidence les biais que leur idéologie d'actionnaires fait prendre à leur raisonnement, quand ils prétendent donner des leçons de bonne gestion à l'Etat tout en occultant 15% de ses dépenses.
15%. C'est gros comme le bec au milieu de la figure d'un toucan, et ça devrait le leur clouer !



1 la répartition de la dépense de l'Etat par catégorie de dépense

Juste pour bien leur rappeler que l'Etat dépense plus pour payer les intérêts de la dette (14,8%) à ses créanciers que pour son fameux "train de vie" tant décrié... Il ne s'agit pas du remboursement du capital, hein, juste des intérêts. On entretient cette dette. Le coût d'entretien de la dette publique est supérieur au coût d'entretien matériel, concret, réel de l'Etat.
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2 la répartition de la dépense de l'Etat par affectation cible
Ici on voit que l'Etat consacre six fois plus d'argent au paiement des intérêts de la dette à ses créanciers (60 milliards d'euros) qu'à la lutte contre le chômage par an (10 milliards d'euros).
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 3 les ressources de l'Etat
Et donc bien se souvenir, quand on crie à l'injustice sur la soit-disante oppression qu'on subit en France à cause des "charges", qu'on pourrait s’exonérer de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les société si on avait continué à emprunter à taux zéro à nos banques centrales, plutôt qu'à des taux d'intérêts substantiels auprès des marchés privés... Mais il semble que de ce côté là ça ne les contrarie pas que l'Etat se comporte en vache à lait des capitalistes...
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30/10/2012

"Nous, dirigeants ADULTES ET RESPONSABLES des plus grandes entreprises…"


"Nous, dirigeants des plus grandes entreprises privées françaises 
- qui avons allègrement profité de ces dernières décennies de privatisations et déréglementations, pour se partager des parts de marché substantielles et élargir notre business,
- qui avons bénéficié de décennies de lutte frénétique des pouvoirs publics contre le chômage (budget de 10 à 20 milliards par an pour obtenir toutes sortes d'aides diverses et variées destinées à créer ou maintenir des emplois), tout en continuant des politiques de rationalisations, et autres délocalisations  productrices de chômage de masse,
- qui avons bénéficié de décennies d'aides publiques pour nous assister dans l'innovation et la "compétitivité",
- qui n'avons jamais renoncé à rétribuer abondamment nos actionnaires (ces dernières années, les seules entreprises du CAC 40 ont systématiquement reversé au total chaque année entre 30 et 40 milliards d'euros de dividendes ),
- qui ne nous sommes jamais trop émus du fait que depuis plusieurs années tout cela ait fortement aggravé la "dette publique", dont le coût constitue une belle manne pour le système financier. 

proposons au gouvernement un pacte pour relancer la croissance et l'emploi. 

Il traduit notre ambition pour la France et est conçu dans un esprit de dialogue.
La France affiche un déficit sans précédent de son commerce extérieur, de ses paiements courants, de ses finances publiques et de ses comptes sociaux. 
Les marges de nos entreprises sont historiquement basses. 
Le chômage sape la cohésion sociale et exclut notre jeunesse. 
La France doit se transformer en profondeur. Il est urgent d'agir maintenant et collectivement. 
Nous préconisons une réponse globale adossée à des mesures simples et concrètes.
En effet, 
- conscients que nous n'avons jamais réellement participé à la lutte contre le chômage et les inégalités, 
- conscients qu'en dépit de leur puissance financière, nos entreprises ne se sont pas impliquées dans les enjeux d'intérêt général autrement que sous la contrainte ou par opportunisme commercial,
- conscients que la majeure partie de la population ne peut être tenue responsable des mauvais choix stratégiques, managériaux et commerciaux de l'industrie française,
nous avons décidé de nous montrer enfin responsables et d'assumer nos actes et nos comportements dans cette période de crise. 
Nous nous engageons donc à ne plus nous défausser aux dépens des plus faibles, de ne plus dénoncer l'assistanat dont bénéficierait les petites gens sans évoquer celui dont nous bénéficions, de ne plus décrier le manque de productivité de la fonction publique alors que le secteur privé n'est pas en mesure de maintenir une performance durable sans recours permanent à la puissance publique.
Nous renonçons à imputer nos "défauts de compétitivité" aux prétendues lacunes comportementales de la population active, soit-disant trop malade, trop paresseuse, trop resquilleuse, trop incompétente.
Nous reconnaissons la dimension monétaire du problème. Nous reconnaissons que notre monnaie est surévaluée pour nous permettre de mieux profiter des richesses du reste du monde, notamment du pétrole, et qu'on a délibérément laissé notre balance commerciale se déséquilibrer.
Nous reconnaissons que l’efficacité des organisations de nos entreprises, la stratégie commerciale, le management, la capacité à motiver les troupes sont entièrement de notre ressort, et que nous sommes entièrement responsables de la performance économique de nos entreprises.
Nous devons assumer cette situation et y faire face.
Nous admettons que baisser les charges et augmenter le temps de travail ne pourra jamais permettre de rendre un travailleur français aussi compétitif qu'un travailleur payé 20 fois moins cher à l'autre bout de la planète.
Ayant intégré que le "tout concurrence" a atteint son niveau de saturation, nous sommes conscients que la performance économique globale du monde ne peut que décliner.
Nous avons pris conscience que la compétition généralisée génère un gâchis humain et environnemental dont le coût ne peut plus être négligé, et qui risque de croître exponentiellement si on persiste dans cette voie.
Nous avons fait le deuil de l'idée que la croissance pouvait éternellement payer les rentes des détenteurs de capitaux. Nous allons nous mettre au travail pour sevrer ces capitalistes de leurs rentes, car ils ne pourront plus la prélever dans un monde désormais physiquement privé de croissance.
Conscients de l'imposture que le monde capitaliste a exercé sur le monde réel durant ces dernières décennies, en dépossédant la puissance publique de sa capacité d'investissement et en construisant une puissance financière privée plus forte désormais que les Etats, nous pensons que cette phase de prédation a atteint ses limites et que le monde réel ne supportera pas plus longtemps la vampirisation illégitime qu'opère sur lui la sphère financière.
Conscients que la faible valeur ajoutée apportée par l'activité financière à l'économie réelle est sans commune mesure avec la ponction de richesse qu'elle opère sur le monde, nous demandons le retour de la mission de financement public dans le giron des états. 
Tout comme le secteur de la santé, l'éducation, ou la justice, le secteur de la finance est un secteur trop stratégique vis à vis de l'intérêt général pour être confié au secteur privé.
En réponse à la crise, nous demandons à ce que les dividendes des entreprises soient désormais versés à un fonds de réparation des dégâts sociaux et environnementaux du capitalisme financier, pour éviter de solliciter les populations déjà fragilisées. 
Nous nous engageons, dans le cadre de nos fonctions de dirigeants puissants et influents, à oeuvrer pour favoriser l'émergence d'écosystèmes économiques respectueux de l'environnement et des populations, pour tirer le reste du monde vers le haut, au lieu d'incriminer la compétition mondiale pour nous tirer vers le bas.
Enfin, purs produits de l'imagination d'un blogueur fantaisiste, nous, dirigeants ADULTES ET RESPONSABLES des plus grandes entreprises, ne demandons qu'à exister dans le monde réel.