24/04/2013

Le monde n’est pas une entreprise !

Les jours passent et ma métaphore hasardeuse sur la destinée de l'Etat semble de plus en plus pertinente.
Les citoyens-collaborateurs ont élu leur nouveau président-PDG au suffrage universel, et ils constatent avec effroi au bout d'un an que le personnage fait la même politique que son prédécesseur alors qu'il clamait être son antithèse.
Savent-ils qu'en fait ce n'était pas lui qui fixait sa feuille de route ? 
Le président-directeur-général de la République ne doit rendre des comptes qu’à ses actionnaires, ses créanciers investisseurs du système financier privé (ceux-là mêmes qu'il s'est amusé à désigner un jour comme son adversaire: il n'avait pas tort, il avait juste oublié de dire que c'est eux qui avaient gagné, et qu'il collaborerait avec les vainqueurs). 
Notre président n'a qu'un objectif : dégraisser pour passer en dessous des 3%. Comme prévu, pour le déficit, 3%, c'est plus dur que (officiellement) prévu. Dommage que ce n'ait pas été un objectif pour sa côté de popularité, car là c'était déjà beaucoup plus facile à atteindre.
Avec la réforme de l'ANI dont la droite rêvait et que la gauche a réalisée, et la réforme bancaire qui a fait pschitt, on y voit un peu plus clair. Le président apparaît désormais comme le liquidateur mandaté par Bruxelles, pour restructurer l'Etat français, comme on restructure une entreprise en difficulté.
L'affaire du chirurgien capillaire aux multiples compétences (les mauvaises langues le comparent à un couteau suisse !), apparemment moins maladroit avec son scalpel qu'avec un téléphone portable, n'a pas aidé les choses. Il a fallu que toute la direction de l'entreprise dévoile le contenu ses poches, pour montrer sa probité, avant de passer faire la quête. Voilà qui est fait. On peut donc passer au renflouage des caisses.

Des mauvaises langues ont eu beau prétendre que le manque à gagner pour renflouer le déficit à moins de 3% pouvait être extrait de nos plateformes off-shore, on a préféré penser local pour l'approvisionnement. Pourquoi aller chercher aux iles Caïmans ce que l'on peut trouver minutieusement dans les poches de ceux qui ne peuvent rien défiscaliser ? C'est sans doute un des points communs entre la droite Rolex de Sarkozy, le socialisme Caïman de Hollande et la gauche Cayenne de DSK. Un subtil mélange d’exotisme et de terroir : "taxer local, défiscaliser global".
On comprend mieux d'ailleurs pourquoi on a préféré créer un Ministère du Redressement Productif plutôt que le Ministère du Redressement Fiscal. Le second aurait été plus rentable, mais le second n'est pas à redresser. C'est le fleuron de notre économie. L'évasion fiscale est le seul domaine où la France a encore un rayonnement  l'international.
Bref au boulot, la récré est finie. La mondialisation entre dans sa phase 2. Les actionnaires/créanciers du monde ont passé des directives très claires à tous les gouvernements. Tous les pays doivent accélérer leur cadence au boulot pour rembourser leurs dettes. 
On n'a plus d'usine, mais faut se remettre au boulot, et de façon "compétitive" cette fois.
Bref, dans la phase 2, la gauche altermondialiste va devoir réactualiser ses slogans. Passer de «Le monde n’est pas un marchandise» à «Le monde n’est pas une entreprise».
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Plus sérieusement, c'est finalement sur télérama, à travers l'interview de Luc Boltanski, que je trouve enfin l'écho à ma métaphore, à la mise sous tutelle de l'Etat par le système financier..
Après la Seconde Guerre mondiale, une sorte de compromis avait été passé entre l’Etat et les grandes firmes capitalistes. Au premier, le soin d’assurer les conditions de reproduction de la force de travail — l’éducation, la santé, etc. — et le développement des infrastructures. Aux secondes, la responsabilité de payer l’impôt nécessaire à leur financement. Quand le capitalisme européen entre en crise, dans les années 1960-1970, de nouvelles voies sont explorées par les multina­tionales pour surmonter cette dernière et se soustraire aux contrôles étatiques, en réorganisant les modes de production, en développant des activités financières dérégulées et en transférant des capitaux dans des paradis fiscaux. Mais l’Etat, pour faire face à des dépenses sociales accrues par un chômage devenu endémique, a dû emprunter sur le marché des capitaux. Ce qui l’a rendu tributaire du capitalisme et a sapé un de ses principaux appuis idéologiques : le principe de sa souveraineté. Les marchés financiers et les agences de notation prenaient en effet le dessus sur un pouvoir que les dirigeants politiques devaient, pourtant, à leurs mandats électoraux.

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