11/12/2013

Phobie & philie, néologismes symptomatiques de la pensée facebook

Ou comment, à partir de quelques néologismes en vogue, on peut entrevoir à quel point nous sommes excessivement gouvernés par nos émotions, et trop peu par la raison.

Préambule : l'argument qui tue

Sur l'ancienne version de ce blog, j'avais reproduit le long courrier que j'avais envoyé à une association d'automobilistes,  pour marquer mon désaccord avec leur combat "tout feu tout flamme" contre les radars automatiques. Sous toutes sortes d'arguments dénonçant des magouilles de l'Etat, se cachait (mal) un plaidoyer d'automobilistes pour le "droit à la vitesse", c'est à dire le droit à l'excès de vitesse. Et je m'attachais à argumenter pour montrer en quoi cette démarche était peu responsable.
Un lecteur égaré, qui a pris le temps de lire le billet jusqu'au bout, mais n'a pas pris le temps d'argumenter pour étayer son désaccord, me tint à peu près ce langage :
"Totalement débile. Quel argumentaire de petit Kapo !
Pourquoi ne vous contentez pas de dire en une seule ligne que vous êtes autophobe, vous auriez fait gagner un temps précieux à tous ceux qui se sont donnés du mal à vous lire ?
J'espère qu'ils sont très peu nombreux"

La restitution de cette anecdote me permet de relever cet amusant néologisme, "autophobie", pour illustrer mon postulat : se traiter de noms d'oiseaux en ***phile et *****phobe est un sport de plus en plus en vogue (--> note 1).

Les attaques personnelles étant monnaie courante sur le web, on comprend que ce procédé ait un certain succès, proche de l'effet de mode  (--> note 2). Attribuer à son interlocuteur une phobie ou une philie revient à lui diagnostiquer une "pathologie" très déstabilisante, visant à le discréditer et s'affranchir de tout contre-argumentaire.

Pour ma part cette terminologie ne me semble pas forcément plus violente que d'autre formules rhétoriques, je lui reconnais le mérite d'être assez explicite et parfois pertinente. Oui ce qu'on aime et ce ce qu'on n'aime pas conditionne notre raisonnement et notre façon de penser (et réciproquement).  Voilà pourquoi cette anecdote me donne l'occasion de creuser du côté de notre psychologie individuelle et sociale, au delà de la simple poésie des mots.